dimanche 27 novembre 2011

Manuel du parfait séparatiste : comment mener une opération sous faux drapeau?

"Plus tard, un ami à moi dont le nom sera toujours gardé secret, m'avoua que c'était lui qui avait posé cette petite bombe devant cette porte, pour créer une atmosphère de tension afin que les gens sachent que les Chypriotes turcs comptaient."

Un peu d'histoire.

1958 : Chypre n'est pas encore indépendante; elle est peuplée majoritairement de Grecs (80%) sur tout le territoire. Les Chypriotes grecs de l'EOKA combattent les forces britanniques par des attentats. Réponse classique de la part des forces de sa très gracieuse majesté, comme dans tout conflit colonial ou d'occupation : répression, torture et camps d'internement (comme le "camp K", à Kokkinitrimithia, ci-dessous).


Les Britanniques créent une police spéciale composée de Chypriotes turcs pour lutter contre les manifestations favorables à l'EOKA. Diviser pour régner, là-aussi c'est une stratégie classique.

Le 7 juin 1958 une bombe explose devant la porte du bureau d'information du Consulat turc à Nicosie. Immédiatement l'EOKA est montrée du doigt, et accusée de vouloir aussi s'en prendre aux civils chypriotes turcs.

La foule turque s'en prend alors aux Grecs du quartier turc de Nicosie (violences, pillages, ailleurs on appelle cela un pogrom mais à Chypre on n'écrit pas l'histoire comme ailleurs) et les oblige à se déplacer vers les quartiers grecs. S'en suivront de graves violences entre les deux communautés, les premières depuis le soulèvement grec de l'EOKA, qui n'avait touché que les Britanniques et leurs collaborateurs.

En cliquant sur ce lien vous serez redirigé vers un extrait du documentaire britannique "Britain's Grim Legacy", produit pas la chaîne ITV en 1984.

Où Rauf Denktash, leader chypriote turc, reconnaît que c'est un de ses amis qui a posé la bombe...

Ce genre de détails est rarement repris par les copier-coller de sites de propagande qui fleurissent sur Internet ou les brochures de propagande distribuées dans les hôtels de la zone occupée.


"Plus tard, un ami à moi dont le nom sera toujours gardé secret, m'avoua que c'était lui qui avait posé cette petite bombe devant cette porte, pour créer une atmosphère de tension afin que les gens sachent que les Chypriotes turcs comptaient."

Le 12 juin 1958, 35 ouvriers Chypriotes grecs seront lâchés dans le village chypriote turc de Kioneli (la chercheuse chypriote grecque Fanoula Argyrou, affirme que cela se fit avec la complicité des Britanniques); huit seront tués par une foule de 200 personnes menée par les unités spéciales turques qui constitueront ensuite la TMT (organisation paramilitaire séparatiste armée et entraînée par des officiers turcs). De nombreux autres seront gravement blessés.

Certaines images des victimes, diffusées par la presse, comme celle-ci, diffusée par le journal communiste Charavghi, creuseront davantage le fossé.


Naturellement le Royaume-Uni et la Turquie présenteront alors le conflit chypriote, non pas comme un conflit colonial ou d'occupation, mais comme un conflit entre Chypriotes grecs et Chypriotes turcs. Un simple conflit communautaire soi-disant déclenché par des violences de l'EOKA contre des Chypriotes turcs, et justifiant que la Turquie intervienne à la table des négociations, et que le Royaume-Uni se présente comme force d'interposition...

C'est une des raisons pour laquelle Chypre ne put obtenir une vraie indépendance (à défaut de l'union à la Grèce souhaitée par la majorité), mais une indépendance assortie de "puissances garantes", dont la Turquie et le Royaume-Uni, de "quotas" inapplicables que l'on pourrait qualifier de "discrimination positive renforcée" (puissance 10) avant l'heure, d'un droit de veto du vice-président (qui devait obligatoirement être chypriote turc) sur toutes les décisions, et autres curiosités juridiques qui font de sa constitution de 1960 un modèle aberrant.

Après l'indépendance de 1960, la TMT se maintiendra intacte et fera de nouveau parler d'elle en 1963-1964, en luttant ouvertement contre les forces gouvernementales. Là aussi la mèche sera allumée d'une curieuse façon. Mais nous en reparlerons.

Inutile de dire, évidemment, que c'est toujours le vainqueur qui écrit l'histoire (sauf peut-être, quand le conflit perd de son actualité, ou qu'il n'a plus rien à revendiquer ou à défendre). A Chypre plus qu'ailleurs, puisque les Chypriotes sont totalement incapables de faire connaître leur version des faits dans ce domaine.

C'est la version turque qui domine dans les média, sur Internet, et dans un certain nombre de publications, au moins pour toute la période antérieure à l'invasion de 1974. Elle est devenue la doxa et personne ne s'en rend plus compte.

Alors de temps en temps, autant rappeler tout ce que le vaincu pourrait, lui aussi, faire valoir, même si cela ne sert pas à grand chose.

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